L' auteur
Mohamed KACIMI
Après des études de littérature française à l’université d’Alger, il s’installe à Paris en 1982. Il publie son premier roman, Le Mouchoir, en 1987. Il collabore au magazine Actuel et devient producteur à France Culture. En 1990, il publie Arabes ? Vous avez dit Arabes et Naissance du désert. Il se tourne vers le théâtre en 1995 avec l’écriture Le Vin, le vent, la vie. Il écrit la pièce 1962, sur l’indépendance de l’Algérie. Passionné par la Bible, il publie La Confession d’Abraham. En 2006, il écrit Terre Sainte. En 2012 Le Chemin de Damas, puis Stains Babylon City. Il écrit une pièce sur l’affaire Dutroux, Le Grand Cirque et aussi À la Table de l’éternité. Moi la mort, je l’aime, comme vous aimez la vie, puis tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz. Il a travaillé comme dramaturge pour la création de sa pièce Des roses et du jasmin à Jérusalem. Mohamed Kacimi anime l’association Écritures du Monde pour faire connaître les dramaturgies étrangères émergentes qui organise chaque année des chantiers d’écriture à travers le monde.
Metteur en scène et comédiennes
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
- Le Roi lune
- Le bain / Le bâillon
- Regarde maman, je danse !
- Ecris que tu m’embrasses
- Nature et dépassement
- Karamel
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
- Jeux de scène
- Les mangeuses de chocolat
- Huis clos
- Ex-voto
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerliz
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
- Emy Ema
- Nature et dépassement
- Les mangeuses de chocolat
- Huis clos
- L’homme qui voulait donner
- L’enfant mort sur le trotoir
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
- Tous mes rêves partent de gare d’Austerlitz
- Emy Ema
La galerie
On en parle...
Un nouveau triplé gagnant pour la compagnie L’Autre Scène. Comme toujours dans cette troupe, le texte est foisonnant, drôle et thématiquement riche, la distribution homogène et inspirée, la mise en scène réglée au cordeau.
Le cadre et les personnages en sont intéressants : situer la pièce en milieu carcéral n’est pas si fréquent – et dans une prison de femmes encore moins. Entrer dans la psyché de ces six femmes n’avait rien non plus d’évident et pourtant le défi est relevé haut la main : tout sonne juste dans leur comportement, leurs propos, leurs aspirations, leurs angoisses. Tout cela semble sortir de la plume d’ une femme ayant vécu dans sa chair l’expérience carcérale. Étonnamment, il n’en est rien, l’auteur est un homme, Mohamed Kacimi, qui est parvenu à capter, sans la déformer ni la fantasmer par le regard masculin, l’authentique féminité de ses six héroïnes
Le thème principal – leur privation de liberté et comment elles la gèrent – est abordé avec pertinence au travers de registres divers et variés qui s’entrechoquent, passant de la crudité crasse à la pure poésie en passant par la loufoquerie, l’émotion, la finesse… Bien articulée autour d’un lieu et d’un moment uniques (la bibliothèque de la prison où se prépare pour cinq codétenues un repas de Noël très particulier), la pièce, souvent très drôle, prend encore plus de vigueur avec l’introduction d’un sixième personnage, Alice, qu’on vient d’incarcérer après lui avoir retiré sa fille chérie. C’est pour cette mater dolorosa le désespoir le plus absolu, la porte ouverte à la dépression et qui sait, le drap en nœud coulant autour du cou. La chance veut qu’elle tombe au milieu de ces cinq femmes aguerries, jeunes et moins jeunes, qui vont lui apprendre une règle fondamentale : si le réel est insupportable alors il faut recourir à l’imaginaire. Si Alice veut voir une forêt au-delà des barreaux plutôt que des hauts murs gris, alors elle la verra..
C’est autour d’Alice que va se nouer la séquence la plus brillante, complexe et touchante, en même temps qu’un rien burlesque, l’immixtion dans la piéce de Kacimi de celle de Musset, « On ne badine pas avec l’amour ». C’est une œuvre qui, sur un plan personnel, compte beaucoup pour la nouvelle prisonnière et que, pour lui remonter le moral en la reliant à sa fille, deux des taulardes vont interpréter à leur manière. Le langage un peu précieux du XIXe siècle romantique va bientôt se voir chahuter par l’argot contemporain comme vont fuser de triviaux commentaires autour de la scène d’explication de Perdican et sa bien-aimée. Le mélange d’aujourd’hui et d’hier, la confusion entre la situation exposée et la situation personnelle des deux interprètes improvisées, vont conduire à une salade russe inédite à base de slapstick échevelé et de tragique sous-jacent.
Jusqu’au bout (la scène finale avec les six femmes en figure de proue du bateau « L’Espoir »), « Tous mes rêves partent de la gare d’Austerlitz » nous aura secoués, bousculés, bouleversés, aura menacé de faire déborder nos canaux lacrymaux, nous aura titillé les zygomatiques, tout en suscitant la réflexion.
Mais par-dessus tout, Kacimi aura su nous faire aimer ces femmes, malgré leurs propos parfois grossiers, malgré leur racisme affiché, malgré leur mauvaise foi exaspérante. Au bout du compte, on les admire pour leur sens de la solidarité et leur propension à dire oui à la vie.
La mise en scène de Jean-Marc Wagner, précise, efficace, rend justice au texte. Quant à l’interprétation des six actrices, elle est parfaite, chacune imprimant son talent et sa personnalité à l’anima de son personnage respectif. Il serait dès lors bien osé et bien injuste de décider qui de Marie-Jo et Élodie dal Pozzolo, d’Évelyne Frisquet, de Fabienne Thévenin, de Myriam Timon et de Sophie Burger est la meilleure. Elles sont toutes à leur tour et ensemble… la meilleure !
Guy BELLINGER